mercredi 17 avril 2024

No show : jeu de lapin, jeu de vilain


Une lectrice, Diane Lamonde, me signale qu’elle a vu dans la presse européenne le mot lapin et l’expression poser un lapin pour traduire « no show ». Effectivement, on en trouve facilement plusieurs attestations dans Internet :

 

TF1 Info, 19 avril 2023 : Ne pas se rendre à un restaurant malgré votre réservation peut vous coûter très cher. Certaines tables n'hésitent plus désormais à exiger une empreinte bancaire lors de la réservation, pour pouvoir débiter en cas d'absence du client. La raison de cette pratique armée de méfiance ? Trop de lapins !

 

Ouest-France, 3 septembre 2022 : « No show », ces lapins que les restaurants ne digèrent plus en Loire-Atlantique

 

Noovo (La Presse canadienne), 27 mars 2023 : «No show»: les restaurateurs trouvent qu’ils se font poser un lapin plus souvent

 

BFM Business, 8 août 2023 : "Poser un lapin" à un professionnel: le coût exorbitant d'une pratique fréquente

Les réservations non honorées, ou "no-show", peuvent représenter une perte allant jusqu'à 10% du chiffre d'affaires, estime la vice-présidente de la confédération nationale des instituts de beauté et spas.

 

Paris-Normandie, 11 août 2023 : « No show » : après les restaurants, les coiffeurs normands victimes des « lapins » de clients indélicats

 

Lapin et poser un lapin relèvent incontestablement de la langue familière. On s’étonne quIls ne figurent pas déjà dans le GDT (Grand dictionnaire terminologique) de l’OQLF (Office québécois de la langue française), si prompt à enregistrer, voire à légitimer, les usages de la « langue courante ».

 

 

mardi 16 avril 2024

No show = rendez-vous médical non honoré


Il est question dans l’actualité en France de faire payer 10 euros pour un rendez-vous médical non honoré. L’expression est reprise dans plusieurs médias. Il peut être rassurant de constater que, dans la Start-Up Nation du président Macron, on ne parle pas de « no show ».

Dans le domaine de l’hébergement et du tourisme, le GDT avait repris une fiche de 1978 de l’ancienne Association française de terminologie, « défection » (mais, depuis 2022, le mot n'apparaît que comme synonyme de « défaillance »). Proposition curieuse. Avant la chute du mur de Berlin en 1989, on faisait défection à l’Est ou à l’Ouest, pas nécessairement avant de se rendre à son hôtel.

On trouve « défaillance » et « défaillant » dans France Terme. Le GDT reprend « défaillant ». Il a aussi « client défaillant » et « défaillance du voyageur ». On parle déjà d’une défaillance technique, cardiaque, mécanique. Mais une défaillance du voyageur ? On peut bien penser que le client défaillait lorsqu’il est arrivé à l’hôtel, mais dans ce cas sa défaillance ne l’a pas empêché d’honorer son rendez-vous.

France Terme comme l’Office sont partis de l’anglais sans essayer de penser en français, sans faire abstraction de l’anglais. Cela donne un résultat pitoyable.

En 2018, j’avais mis en ligne un billet portant sur l’expression anglaise « no show » utilisée en français, tant en France qu’au Québec : je vous invite à le lire (en cliquant ici), il est plus complet que le présent billet.

 

samedi 13 avril 2024

L’OQLF rectifie le tir

 

À la suite de la chronique de Jean-François Lisée sur l’étude Langue de l'espace public au Québec en 2022, l’Office québécois de la langue française a apporté une rectification :

Contrairement à ce qui a été mentionné par l'Office à la suite de la sortie de l'étude, la pondération a été effectuée à partir des données du recensement de 2021 et non à partir de celles du recensement de 2016. L'échantillonnage, quant à lui, a bel et bien été effectué sur la base du recensement de 2016.

Mais cela ne répond pas à toutes les questions que pose cette étude, en particulier aux critiques que j’ai faites dans le billet précédent.

En outre, que dire du taux de non-réponse ? Il est de 77 % dans l’enquête de 2022 et de 54 % dans celle de 2016. Cela n’affecte-t-il pas la validité des résultats et des comparaisons ? Est-ce pour cette raison que l’étude parle d’un échantillon « assez représentatif » ?

 


jeudi 11 avril 2024

À la poubelle!

 

Jean-François Lisée a publié, dans Le Devoir du mercredi 10 avril 2024, une chronique fracassante. Ou plutôt une chronique qui fracasse l’étude Langue de l’espace public au Québec en 2002 de l’Office québécois de la langue française (OQLF).

Il se demande « pourquoi une étude dont le terrain a eu lieu au début 2022 n’est publiée qu’en mars 2024, alors que la situation démographique québécoise change à un rythme jamais enregistré depuis, disons, la Conquête ». En effet, de 2022 à 2024, « la progression du nombre d’immigrants temporaires est passée en deux ans de quelque 290 000 à plus de 560 000. » Lisée croit que l’étude aurait dû être publiée « en précisant que ses insuffisances étaient telles qu’il ne fallait en tirer aucune conclusion sur le présent. Cela aurait évité aux commentateurs peu versés en méthodologie de brandir ces chiffres pour affirmer que la situation est ‘ stable ‘, voire que davantage d’anglophones qu’avant adoptaient la langue de Félix à la ville. Le contraire est indubitablement vrai. ».

Les arguments de Lisée sont dirimants : vous pouvez en prendre connaissance en cliquant ici.

J’ajouterai quelques points aux critiques de Jean-François Lisée.

Il s’agit d’un rapport anonyme. Pas de préface de la présidente de l’OQLF. On ne dit même pas si le rapport a été approuvé par le Comité de suivi de la situation linguistique au Québec.

À la page 4 on peut lire :

Les personnes sondées étaient invitées à répondre au questionnaire en se basant sur l’expérience qu’elles avaient vécue au cours des six mois précédant le sondage. Or, lors de cette période de référence, étant donné la pandémie de COVID-19, des mesures sanitaires étaient en vigueur, dont la fermeture des salles à manger des restaurants et l’obligation de présenter un passeport vaccinal pour fréquenter certains commerces. Les interactions au sein de l’espace public, c’est-à-dire les interactions à l’extérieur de la maison avec des personnes autres que les parents ou amis, étaient ainsi moins nombreuses et moins variées.

On veut étudier la langue des interactions dans l’espace public dans une période où on admet qu’elles étaient moins nombreuses et moins variées. Et on ose en plus comparer les résultats à ceux de 2016, une période « normale ». On marche sur la tête !

Enfin, il y a une innovation méthodologique : la notion d’échantillon « assez représentatif » (p. 43)! Avant, un échantillon était représentatif ou pas.

Ma conclusion est dans le titre de ce billet.

mercredi 3 avril 2024

L’air du temps


Dans les messages publiés par un réseau de chercheurs auquel j’appartiens, je commence à voir le mot chercheureuses utilisé comme pluriel de chercheur et chercheuse.

 

Hier sur une chaîne britannique j’entendais pour la première fois l’expression « woman born female ». Je vais sans doute finir par m’habituer à entendre « persons with wombs » pour désigner les femmes.

 

lundi 1 avril 2024

Jeter l’eau du bain avant le bébé


En France, le 12 mars, lors des questions au gouvernement, la ministre déléguée à l'Enfance, à la Jeunesse et des (sic) Familles a demandé à Sandrine Rousseau de ne « pas jeter l'eau propre sur l'ensemble des professionnels ». 

Incontestablement le niveau monte. La députée avait déjà atteint son niveau de crue (cliquer ici), la ministre va bientôt la rattraper.

Ce n’est pas un poisson d’avril.

 

mardi 5 mars 2024

Conseil houleux à Sainte-Pétronille

 

Conseil houleux et statu quo à Sainte-Pétronille

Salle qui déborde, questions coupées court, « appel au calme » : le conseil municipal a été houleux lundi soir à Sainte-Pétronille.

—Le Soleil, 5 février 2024

 

Dans la citation qui précède, conseil municipal (ou conseil tout court) signifie « séance du conseil municipal ». Cet usage, fort courant au Québec et relevant à l’évidence de la langue standard tant écrite qu’orale, n’a pas été enregistré par Usito malgré ses prétentions : « Le dictionnaire Usito décrit tous les mots du français standard actuellement en usage au Québec, attestés dans les écrits de langue soignée (registres neutre et soutenu) » (page d’accueil du site).

Usito, s.v. municipal, ne donne que l’expression conseil municipal, sans définition. En comparaison, le Trésor de la langue française informatisé (TLFi) offre la définition suivante : « Assemblée délibérante composée du maire, de ses adjoints et des conseillers municipaux délégués ou non » et, par métonymie, «séance du conseil municipal».

J’ai déjà donné de nombreux exemples des insuffisances d’Usito dans la description du français québécois : par exemple cliquer ici, ici ou ici.